Quand avez-vous vérifié votre boîte mail pour la dernière fois ? Il y a quelques heures ? Étiez-vous en train de consulter votre boîte de réception avant de commencer à lire cet article ? Des statistiques relevées par Business Insider indiquent qu’un tiers des Américains consultent leurs e-mails en continu dans la journée. Selon une étude menée par AOL en 2010, 47 % des gens prétendent être accros aux e-mails, 25 % ne peuvent pas rester plus de 3 jours sans vérifier leurs e-mails, 60 % lisent leurs e-mails pendant les vacances et 59 % consultent leurs e-mails aux toilettes.

Il est temps de se défaire de cette habitude.

Vérifier ses e-mails : pourquoi est-ce un véritable problème

Vérifier ses e-mails : pourquoi est-ce un véritable problème

Avant d’entrer dans le vif du sujet, prenons le temps de nous pencher sur cette question : les e-mails représentent-ils vraiment une addiction néfaste ou sont-ils nécessaires au travail de bureau ? Après tout, si l’on en croit notre récente étude, 59 % des gens indiquent que leur équipe conserve les informations relatives aux projets dans leurs e-mails, et 13 % affirment que leur équipe utilise uniquement les e-mails comme moyen de suivi de l’avancement des projets. Les e-mails semblent donc un outil important au bon déroulement du travail.

Mais comme vous pourrez vous en apercevoir ci-dessous, des études ont montré que les e-mails représentent une entrave majeure à la productivité et peuvent même avoir une incidence négative sur nos humeurs :

1. La gestion des e-mails se traduit par une perte constante de temps.

Un employé est interrompu toutes les 10 minutes en moyenne, soit 56 fois par jour, et il lui faut environ 25 minutes pour recentrer son attention sur sa tâche d’origine. Chaque jour, cela représente donc 2 heures passées à se remettre de distractions. Et malheureusement, le fait de consulter vos e-mails de façon régulière fait partie de ces interruptions indésirables qui vous font perdre votre concentration. Lors d’une étude menée dans un environnement de travail, Jackson et al. (2002) ont découvert que 70 % des e-mails suscitaient une réaction dans les 6 secondes suivant leur réception et 85 % dans les 2 minutes. Après cette interruption, les participants à cette étude perdaient en moyenne 64 secondes à se demander « Bon, j’en étais où ? » avant de pouvoir reprendre le fil de leur pensée.

En outre, selon une analyse du McKinsey Global Institute, 28 % du temps de travail hebdomadaire est consacré à consulter et à répondre aux e-mails. Si vous travaillez en moyenne 40 heures par semaine, cela signifie que vous perdez plus de 11 heures chaque semaine à consulter votre boîte de réception, ce qui représente une perte de productivité tout aussi importante.

2. Vérifier ses e-mails ralentit la productivité

Les e-mails sont une forme de « procrastination productive » que nous aimons exploiter. Il nous arrive de ne pas avoir envie de nous atteler aux tâches qui nous sont assignées et de nous dire : « Je vais répondre à mes e-mails pendant quelques minutes ». Le sentiment de culpabilité à l’idée de repousser notre travail à plus tard en consultant nos e-mails est moindre car « techniquement, c’est du travail ». Cette façon de penser engendre de mauvaises habitudes et on passe rapidement de « quelques minutes » à une période beaucoup plus longue que prévu.

Bien évidemment, beaucoup admettent que le temps passé à consulter leurs e-mails fréquemment est une source de problème en terme de productivité. Lors de l’étude sur la gestion du travail réalisée par Wrike en 2015, 40 % des personnes interrogées ont indiqué que les e-mails étaient un des principaux obstacles à leur productivité, décrochant ainsi la médaille de bronze dans la liste des obstacles courants au travail. Le temps passé à répondre aux e-mails a été cité comme ayant une influence plus négative sur la productivité que des priorités mal définies, la procrastination ou même des délais courts.

3. Le fait d’attendre des e-mails vous met de mauvaise humeur

La prochaine fois que vous aurez l’impression de vous être levé du pied gauche, songez à cela : la dépendance aux e-mails est responsable de votre mauvaise humeur. Vous consultez votre boîte mail encore et encore (et encore) dans l’attente d’une bonne nouvelle. Mais elle n’arrive pas. Ou elle arrive tellement peu souvent que vous êtes très souvent déçu. Nancy Colier décrit ce phénomène sous le nom de « lottery brain » (le cerveau de la loterie) dans le magazine Psychology Today. Il s’agit d’une partie de notre cerveau qui « suscite l’espoir et un sentiment de possibilité, du moment que cet espoir est également soutenu par un agent proactif dans notre comportement ». En vérifiant nos e-mails régulièrement, cela suscite chez nous l’espoir de recevoir une excellente nouvelle, mais nous sommes constamment déçus car elle n’arrive jamais.

Cela est également très stressant. Une étude menée à l’Université de la Colombie-Britannique a permis de découvrir que le groupe d’étude qui consultait ses e-mails aussi souvent que possible se sentait bien plus stressé que le groupe qui ne pouvait les consulter que trois fois par jour. Ce premier groupe n’avait pas l’impression d’être plus productif pour autant. Les accros aux e-mails se mettent de mauvaise humeur sans réelle raison.

4. Le fait de vérifier vos e-mails constamment vous empêche d’atteindre le flux

En psychologie, on dit aussi « entrer dans la zone ». Les chercheurs ont découvert qu’en atteignant un état de flux, il est possible d’améliorer ses performances au travail. C’est la meilleure façon de terminer vos tâches efficacement. Le psychologue Mihály Csíkszentmihályi déclare :

« [Le flux] consiste à être complètement immergé dans une activité pour elle-même. Le temps passe à toute vitesse. Chaque action, chaque mouvement et chaque pensée suit inlassablement la précédente. C’est comme jouer du jazz. Tout votre être est impliqué, et vous exploitez vos capacités à leur maximum ».

Malheureusement, il est difficile de savoir comment atteindre cet état de flux qui permet de terminer les tâches même les plus complexes. Ce qui est sûr, c’est que les e-mails que nous recevons nous déconcentrent bien plus que nous le croyons. Les personnes qui ont pris part à l’étude menée par Renaud et al. (2006) ont affirmé avoir l’impression de consulter leurs e-mails une seule fois par heure. Cependant, quand les chercheurs les ont observé à leur insu, ils ont constaté que les participants vérifiaient leurs e-mails presque toutes les cinq minutes. Cette constante transition entre le travail et la boîte de réception oblige le cerveau à sans cesse recentrer son attention.

Nous provoquons nous-mêmes les éléments qui perturbent régulièrement notre travail, sans même nous en rendre compte.

Comment expliquer cette addiction d’un point de vue psychologique

Comment expliquer cette addiction d’un point de vue psychologique

Pour résoudre ce problème, nous devons comprendre ce qu’il se passe dans notre cerveau. Pourquoi développons-nous une telle obsession pour notre boîte de réception ? Plusieurs théories ont été avancées :

1. Le conditionnement opérant

La théorie la plus communément acceptée pour expliquer pourquoi nous consultons constamment notre boîte de réception, même quand nous savons qu’il est peu probable qu’elle contienne de nouveaux messages, est celle du conditionnement opérant. Plus précisément, on appelle cela les programmes de renforcement intermittent. Le conditionnement opérant est un concept bien connu dans le domaine de la psychologie. Il s’agit d’une forme d’apprentissage qui influence votre comportement en vous poussant à attendre des conséquences spécifiques après avoir entrepris certaines actions. Les programmes de renforcement intermittent signifient que l’action est récompensée lors de sa réalisation, mais pas à chaque fois et à intervalles irréguliers. C’est une forme d’apprentissage parfaitement normale pour l’être humain ; cela devient un problème uniquement lorsque ce comportement acquis a une incidence contre-productive sur notre travail.

Si l’on applique ce raisonnement aux e-mails, le conditionnement opérant intermittent se manifeste de la manière suivante : Lorsque vous consultez vos e-mails, vous vous attendez à recevoir un nouveau message. Vous en recevez, mais pas à chaque fois, donc vous revenez régulièrement vérifier, en espérant inconsciemment que « cette fois, j’aurai un nouveau message ! ». Ainsi, vous essayez d’actualiser la page, parfois même plusieurs fois en l’espace de quelques secondes, en attendant que votre comportement (le fait de vérifier) soit récompensé (par un nouvel e-mail).

Qui plus est, Nir Eyal, l’auteur de Hooked : How to Build Habit-Forming Products, qui étudie depuis longtemps le croisement entre la psychologie, la technologie et le monde professionnel, affirme que le simple fait de répondre à un e-mail renforce ce comportement qui nous incite à revenir vérifier :

« Chaque fois que je réponds à un e-mail, je me prépare déjà au prochain déclencheur, car je vais vraisemblablement recevoir une réponse. Cette réponse est un déclencheur externe qui réveille à nouveau mon addiction. C’est pourquoi il est si difficile de se défaire de cette dépendance aux e-mails ». (13:10)

Sur le long terme, si vous continuez régulièrement à recevoir des e-mails intéressants, votre comportement sera renforcé et vous continuerez à les consulter indéfiniment.

Écoutez Nir Eyal discuter de l’addiction aux e-mails à partir de 11:22 (en anglais) :

2. La réception d’e-mails importants flatte notre égo

Selon une autre théorie, l’explication derrière nos addictions aux e-mails se résumerait à notre propre estime de nous-mêmes. Alors même que nous affirmons détester les e-mails, certains d’entre nous aiment le sentiment que procure la réception d’un e-mail. Linda Stone, écrivain, consultante et chercheuse dans le domaine des technologies, déclare que le fait de garder un œil sur nos e-mails Nir Eyal, l’auteur de Hooked : How to Build Habit-Forming Products, déclare :

« Si vous réfléchissez au [...] déclencheur interne qui nous pousse à consulter nos e-mails, en fait, il en existe plus d’un : l’ennui, l’anxiété, le sentiment d’insécurité par rapport à ce que je fais dans mon travail. Tous ces déclencheurs internes peuvent être en partie satisfaits en consultant nos e-mails ». (11:22)

Mais le fait de consulter constamment nos e-mails et l’interruption qui en résulte deviennent incontrôlables. Le défi que posent les e-mails, c’est de ne pas se laisser aller à l’extrême, jusqu’à ce besoin inconscient de consulter notre boîte de réception pour voir si l’on peut être utile à quelqu’un.

3. Nous apprécions ces petites victoires simples

Une dernière théorie. Une étude menée par Theresa Amabile de la Harvard Business School sur la manière de motiver le personnel est parvenue à cette conclusion : les gens aiment faire des progrès. En se rendant compte des progrès effectués, les employés peuvent catalyser la motivation dont ils ont besoin pour continuer à œuvrer dans le but d’atteindre l’objectif final. Les progrès, même lorsqu’il ne s’agissait que d’un petit pas en avant, se manifestaient souvent les jours où les participants à l’étude avaient affirmé être de bonne humeur. Dans leur rapport, Amabile et son équipe suggèrent aux chefs de projet de diviser les grands projets en plusieurs petits objectifs faciles à atteindre afin que les équipes puissent ressentir plusieurs « petites victoires » plutôt qu’une seule grande victoire à la fin.

La gestion de nos e-mails nous gratifie de ce sentiment d’accomplissement. Chaque réponse à un message représente un petit pas en avant. Chaque fois que nous finissons de consulter nos derniers e-mails reçus, nous avons effectué avec succès la tâche que nous nous étions fixée. Le fait d’avoir fait quelque chose nous donne un sentiment positif. Ainsi, nous y revenons encore et toujours, même si cela implique de repousser le vrai travail à plus tard, même si cela signifie que nous perdons des heures chaque jour à essayer de revenir dans la « zone ».

Comment se désintoxiquer de nos e-mails

Comment se désintoxiquer de nos e-mails

Le fait de consulter nos e-mails pendant la journée est un comportement conditionné qui sape notre énergie, notre satisfaction et notre productivité au travail. Voici quelques suggestions pour vous aider à vous défaire de cette dépendance :

1. Fermez votre boîte mail et soyez attentif au nombre de fois que vous l’ouvrez

Ne gardez pas votre boîte mail ouverte dans un autre onglet de votre écran et limitez le nombre de fois que vous la consultez. Parcourez vos e-mails uniquement lorsque le moment vous semble opportun. Dans l’étude sur le stress engendré par les e-mails menée à l’Université de la Colombie-Britannique et mentionnée auparavant, les chercheurs sont parvenus à cette conclusion :

« En limitant le nombre de vérifications quotidiennes de leurs e-mails, les personnes ressentaient une tension moindre pendant les activités particulièrement importantes et leur stress s’en trouvait réduit au jour le jour. [...] Ceux qui consultaient souvent leurs e-mails ne se sentaient pas plus productifs que ceux qui se limitaient ».

Faites un suivi actif du nombre de fois que vous consultez vos e-mails chaque jour. Le psychologue James Claiborn affirme que « le fait de mesurer les choses a tendance à les changer et à rendre les gens beaucoup plus conscients en premier lieu ». Notez si chaque vérification était justifiée. (Avez-vous reçu des e-mails importants depuis votre dernière vérification ?) Si vous remarquez que la fréquence à laquelle vous consultez vos e-mails est représentée par un nombre à deux chiffres, remettez votre comportement en question pour savoir si vous avez réellement besoin de consulter votre boîte de réception aussi souvent.

2. Communiquez plus d’informations professionnelles par un moyen autre que les e-mails

Vous êtes inquiet à l’idée d’abandonner vos e-mails puisqu’il s’agit de la seule manière de recevoir des messages importants ? Remplacez les e-mails par un nouvel outil qui ne vous ralentira pas avec des spams et des sollicitations inutiles. Réalisez une plus grande partie de votre travail à l’aide d’un outil de gestion du travail comme Wrike (ou autre) afin d’être moins dépendant des e-mails pour communiquer sur les projets ou les tâches, pour stocker des informations ou pour recevoir les mises à jour de la part d’autres personnes.

3. Définissez un objectif afin de limiter les e-mails (et écrivez-le)

Saviez-vous qu’en écrivant votre objectif et en le partageant avec un ami, vos chances de réaliser cet objectif augmentent de 33 % ? Prenez un stylo et un bloc-notes. À présent, écrivez votre stratégie : « Je consulterai mes e-mails uniquement à 11h et à 15h » ou « Je ne consulterai mes e-mails que trois fois par jour ». Vous pouvez également coller un post-it sur votre ordinateur. En outre, dressez une liste (sur papier !) des raisons pour lesquelles vous souhaitez arrêter de consulter vos e-mails aussi souvent : « Je veux arrêter de perdre des heures de travail » ou « Je veux travailler plus efficacement ».

Ensuite, prévenez votre chef et vos collègues que vous vous êtes fixé cet objectif afin qu’ils puissent savoir que les e-mails ne sont pas le meilleur moyen de vous contacter en cas de problèmes urgents. (Vous pourriez même les inciter à mettre en place leur propre cure de désintox, qui sait.)

4. Poussez les choses à l’extrême : bloquez votre boîte de réception

Vous souhaitez vraiment renforcer votre nouvelle habitude ? Téléchargez une extension de navigateur comme StayFocusd pour le navigateur Chrome, qui vous permettra de définir une durée maximale quotidienne pour consulter vos e-mails qu’il vous sera impossible de dépasser. Vous indiquez le temps en minutes que vous pouvez passer sur le logiciel de messagerie de votre navigateur. Une fois ce temps écoulé, vous serez bloqué jusqu’au lendemain. Bien sûr, cela fonctionne uniquement pour les personnes qui n’utilisent pas d’applications de bureau comme Outlook ou Apple Mail pour accéder à leurs e-mails.

5. N’abandonnez pas

L’adoption d’une nouvelle habitude peut prendre plus de deux mois, voire plus des deux tiers de l’année ! Dans notre cas, la nouvelle habitude que vous essayez de développer consiste à briser une ancienne habitude, ce qui est bien plus difficile. Mais cela ne doit pas vous arrêter. Si d’ici un mois vous vous sentez encore inquiet à l’idée de consulter votre boîte mail quelques fois par jour seulement, tenez bon. Consultez votre liste de raisons pour lesquelles vous devez cesser de vérifier vos e-mails aussi souvent et réaffirmez vos objectifs. Se créer une nouvelle habitude requiert principalement de la volonté, donc si vous commettez un faux pas aujourd’hui, réessayez demain.

Vous pouvez vous défaire de votre dépendance aux e-mails

Vous êtes accro à vos e-mails ? Avez-vous entrepris des actions pour réfréner efficacement vos tendances à consulter votre boîte de réception ? Confiez-vous dans les commentaires afin que nous puissions apprendre de votre expérience.